Les jurons à caractère religieux existaient en France depuis le Moyen Âge. La plupart avaient trait à la religion catholique, car ils représentaient une expression exutoire, notamment à l’époque de la répression des protestants. Les représailles sur les jureurs étaient féroces, pouvant aller jusqu’à la condamnation à mort. Pour s’en préserver, les Français apprirent à camoufler les jurons en les déformant : par la mort de Dieu devint morbleu, ventre de Dieu devint ventre saint-gris, je renie Dieu devint jarnicoton…
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours dans le Vieux-Montréal
© Taki Eddine Alimat, Pixelmontreal.com
Sur les chemins de la Nouvelle-France, les premiers colons importèrent au Québec ce type de jurons qui prirent le nom de « sacres ». À leur arrivée, ils furent exposés aux mêmes lois qu’en France, mais l’Église, très présente au début de la colonisation, perdit de son influence sous le régime anglais, entre 1760 et 1840 et les condamnations pour blasphèmes furent donc peu nombreuses. La région des
Cantons-de-l’Est, coin rêvé pour une escapade de 48h et aussi appelée « Eastern Townships » est probablement la région qui garde le plus les traces de ce passé anglais de la province. Les mots « Dieu » et « nom de Dieu » étaient alors fréquemment accompagnés du mot « maudit » ou « sacré » sans que cela n’offusque personne. Mais la situation changea après la rébellion des Patriotes, dans les années 1840. L’Église retrouva alors un rôle important, réglementa la vie quotidienne des fidèles et condamna ces mauvaises paroles. En réaction à cette emprise de l’Église et du clergé, de nouveaux jurons apparurent tels que « Christ », « ciboire », « calvaire », « tabernacle » ou « calice », manifestation d’un rejet des contraintes de l’Église. Le juron « hostie » apparut plus tardivement vers 1920, au lendemain d’un décret qui rendait obligatoire la communion hebdomadaire. Le clergé exerça de fortes pressions morales à coup de sermons, retraites ou neuvaines réparatrices pour tenter d’empêcher ces blasphèmes. Pour éviter les réprimandes, la désapprobation sociale ou la colère divine, les Québécois ont alors fait preuve d’une grande créativité pour ne pas prononcer les mots sacrilèges, en modifiant leurs lettres ou en les remplaçant par des mots neutres ayant la même sonorité pour qu’ils restent néanmoins reconnaissables. Ainsi, « Christ » devint « Criss », « Tabernacle » devint « Tabarnak » ou encore « Tabarnouche », « Hostie » devint « Sti ».
Dans les années 1960, la Révolution tranquille mit en place une véritable séparation de l’Église et de l’État. La majorité francophone délaissa la pratique religieuse et l’Église perdit de son influence. Les jurons et les sacres se banalisèrent.
Aujourd’hui, les sacres, vidés de leur sens premier, ont perdu leur caractère religieux. Ils sont l’expression d’un langage populaire et quelque peu grossier. Le plus souvent utilisés comme interjections, ils soulignent l’intensité d’une émotion (colère, peur, douleur). De nombreuses dérivations et déformations ont été inventées, qui peuvent être utilisées comme substantif, adjectif, verbe ou adverbe : « j’m’en câlice » (je m’en fiche) ; « ça fait crissement mal ! » (cela fait terriblement mal) ; « maudit niaiseux » (espèce d’imbécile) ; « ostie qu’y fait chaud ! » (Dieu qu’il fait chaud).
Certains se demandent si les sacres québécois, bien que faisant partie du patrimoine, survivront à la laïcisation de la société. Les 2000 jurons répertoriés ont été tellement banalisés et éloignés de leurs origines qu’une exposition a été organisée en 2011 au
Musée des Religions du Monde de Nicolet (« Tabarnak, l’expo qui jure ! ») dans la région du Centre-du-Québec (région idéale pour une
virée d’une fin de semaine) pour montrer aux enfants les objets auxquels les jurons font référence et combler le fossé grandissant entre les Québécois et leur patrimoine religieux. Vous recherchez une route touristique capable de vous transporter dans le Québec patrimonial ? Nous vous recommandons la route des belles histoires, entre
histoire et patrimoine, dans les Laurentides.
N’oublions pas, par ailleurs, que si la religion ne tient plus la même place que naguère dans la vie des québécois, la ville de Montréal, elle, continue d’être appelée
la ville aux cent clochers.
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